Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/210

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« Suuméck », c’est-à-dire protecteurs du peuple, spécialement dans la maladie ou avant d’aller à la chasse, à la pêche ou à la guerre. Quand un chef ou un homme important de la tribu voulait marier son fils, il lui disait : « Mon fils, te voilà déjà grand ; il est temps que tu prennes femme, mais si tu veux en avoir parmi les plus laborieuses et les plus riches, il faut que par tes actes tu montres que tu es un homme. Va donc dans la montagne chercher ton génie protecteur Suuméck, et quand tu l’auras trouvé, cours tuer quelques ennemis, et ainsi tu acquerras le renom d’un brave et tu pourras posséder les femmes de ton choix. »

À ces paroles, le fils partait ; il gravissait les plus hautes cimes des montagnes, l’imagination pleine des visions superstitieuses dont il avait cent fois entendu le récit dans son enfance. Sur ces sommets, dormant à la belle étoile, ne se nourrissant que de racines sauvages, brisé de fatigue par le voyage, les veilles et la faim, il voyait on croyait voir son Suuméck dans un loup, un cerf, un ours ou un autre animal, et croyait entendre une voix mystérieuse qui lui promettait qu’il deviendrait très habile dans l’art de la médecine (sorcellerie), soit dans la guerre, soit à la chasse. Alors il retournait chez lui et racontait à sa famille la vision qu’il avait eue. Le bruit de ses exploits se répandait rapidement dans toute la contrée et il passait partout pour un héros. Alors son père lui demandait quelle jeune fille il voulait prendre pour femme ; il allait lui-même la demander aux parents en leur promettant pour dot deux, trois ou plusieurs chevaux. Et sans que la fiancée connût son futur époux, sans qu’on lui eût demandé son consentement, le mariage était décidé. Si la jeune fille refusait cette union, son père la battait cruellement jusqu’à ce qu’elle se pliât à