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SPOKANE ET LES INDIENS

apparence, a cependant son bon côté. L’expérience leur a appris que l’action de fumer tend à dissiper les vapeurs du cerveau, à relever leur courage, à les habituer à penser et à juger avec justesse  ; c’est pourquoi le calumet est encore introduit dans leurs Conseils comme prologue et devient comme le sceau de leurs décrets lorsque leurs résolutions sont prises. Ils l’envoient comme un gage de fidélité et de respect à ceux qu’ils veulent consulter, ou avec qui ils ont fait alliance, ou conclu un traité.  »

Le jour de l’Épiphanie, pour égayer un peu les enfants de l’école, j’imaginai d’organiser un cortège de Rois-Mages. J’avais trouvé au grenier des instruments de musique, oubliés là depuis longtemps et couverts de poussière  ; il y avait un tambour, une grosse-caisse, un cornet à piston, un trombone, etc. J’appelai quelques-uns de nos grands élèves, et leur distribuai ces divers instruments, me réservant toutefois le tambour. Je leur recommandai au signal que je leur donnerais de souffler de toutes leurs forces dans leurs cuivres et de ne pas ménager la grosse-caisse  ; puis, faisant amener trois chevaux (car les chevaux ne manquaient pas), je juchai sur leur dos trois de nos petits garçons, qui devaient représenter les Rois. Heure avait été prise pour cette petite fête dans l’après-midi  ; les religieuses avec tous leurs enfants de l’école étaient rangées sur le trottoir de bois, qui bordait le chemin boueux et qui servait de communication entre les deux maisons. Le moment venu, le cortège s’ébranla sous mes ordres  ; lorsque nous arrivâmes devant le groupe des Sœurs et de leurs élèves, je donnai le signal avec mon tambour, et aussitôt ce fut un déchaînement de sons rauques, une cacophonie invraisemblable, qui finit dans un immense éclat de rire. Alors les Rois s’avancèrent sur leurs chevaux caparaçonnés de rouge et commencèrent