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Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/107

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LES ORIGINES DE LA NOUVELLE ACADÉMIE.

croyances populaires qu’ils opposent à elles-mêmes ; c’est une doctrine systématique qu’ils veulent ruiner. Et ils attaquent la connaissance sensible de telle manière, qu’on a pu se demander s’ils n’avaient pas une pensée de derrière la tête, si à cette connaissance imparfaite ils ne voulaient pas substituer une certitude plus haute, et d’une autre nature[1].

En outre, les pyrrhoniens se bornent à dire que la vérité n’est pas encore trouvée : ils ne disent pas qu’elle soit inaccessible ; ils ne désespèrent pas de la voir découvrir un jour ; même ils la cherchent ; ils sont zététiques. Arcésilas croit que la vérité non seulement n’est pas trouvée, mais qu’elle ne peut l’être ; et la raison qu’il en donne, est qu’il n’y a pas de représentation vraie qui soit telle qu’on n’en puisse trouver une fausse absolument semblable[2]. Les pyrrhoniens se bornent à constater un fait : la nouvelle Académie tranche une question de principe.

Tout cela n’empêche pas que Pyrrhon ait pu exercer une certaine influence sur l’esprit d’Arcésilas, qu’il l’ait par exemple confirmé dans ses tendances sceptiques. Mais certainement Arcésilas est arrivé au scepticisme par un autre chemin que Pyrrhon. Les germes de scepticisme contenus dans la doctrine de Démocrite ont, en se développant, donné naissance au pyrrhonisme. Les germes de scepticisme contenus dans la philosophie de Socrate et de Platon ont, en se développant, produit la nouvelle Académie. Si Pyrrhon n’eût pas existé, la nouvelle Académie aurait été à peu près ce qu’elle a été. Ainsi l’école cyrénaïque est arrivée d’elle-même, et sans qu’on puisse soupçonner une influence pyrrhonienne, à des formules très voisines du scepticisme.

C’est une question de savoir si à l’influence socratique et platonicienne il ne faudrait pas joindre celle des mégariques. Le vers d’Ariston cité ci-dessus autorise à répondre affirmati-

  1. Voir ci-dessous p. 115.
  2. Sext., M., VII, 154.