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ARCÉSILAS.

comprendre pourquoi il a pris, et pourquoi les anciens lui ont conservé le nom d’académicien. En quoi est-il le continuateur de Platon ? Il l’est de deux manières : d’abord, Platon aimait à employer des formules dubitatives, et on sait avec quelle défiance, voisine du scepticisme, Socrate pariait des théories physiques. À tort ou à raison, Arcésilas et les nouveaux académiciens, en poussant le doute jusqu’à ses dernières limites, pouvaient se croire fidèles aux idées du maître. Sur ce point, les témoignages abondent : Cicéron regarde toujours la nouvelle Académie comme la fille légitime de l’ancienne. Mais c’est surtout par sa méthode, par sa manière d’enseigner et de parler qu’Arcésilas s’est montré véritable académicien. Les anciens attachaient peut-être plus d’importance à ces formes extérieures qu’au fond des choses, et pour mériter le nom d’académicien, il suffisait à leurs yeux de parler comme les académiciens.

Voici comment procédait Arcésilas. Il attendait qu’un interlocuteur vînt exprimer devant lui son sentiment sur quelque point ; en général, il n’aimait pas qu’on lui adressât des questions ; il faisait parler les autres. Mais, quelle que fût la thèse exposée, il entreprenait aussitôt de la réfuter. Par exemple[1] on lui disait : le plaisir est le souverain bien (souvent même on le disait sans le penser, uniquement pour lui donner l’occasion de parler, et le mettre en train), et il discourait sur ce sujet. De là sans doute une grande variété de discours. Il faut bien qu’Arcésilas ait traité de la sorte un grand nombre de sujets ; car il ne paraît pas que les thèses négatives que nous venons de résumer aient pu suffire à son activité philosophique et oratoire. C’est ainsi que, comme Socrate, il interrogeait et répondait. Comme Socrate aussi, il traitait tous les sujets qui se présentaient, suivant le hasard des rencontres et l’inspiration du moment. Voilà pourquoi Cicéron nous dit qu’Arcésilas avait repris les usages de l’Académie, depuis longtemps tombés en désuétude. Ce qu’il ne dit pas, c’est que, selon toute vraisem-

  1. Cic., Fin., II, i, 9 ; De Orat., III, xviii, 67 ; De Nat. Deor., I, v, 11.