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Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/125

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ARCÉSILAS.

aurait toujours tenu pour les dogmes du maître dont il conservait ostensiblement la tradition, et son scepticisme n’aurait été qu’une sorte de contenance qu’il se donnait, en un temps peu propice aux spéculations métaphysiques. Sextus Empiricus, après avoir dit[1] en son propre nom qu’il le regarde comme à peu près pyrrhonien, ajoute que suivant quelques-uns, les arguments sceptiques lui servaient seulement de pierre de touche pour éprouver ses disciples : s’il leur trouvait les qualités d’esprit requises pour comprendre la doctrine du maître, il les initiait à ses dogmes. Suivant Dioclès de Cnide[2], c’était par crainte des disciples de Théodore et de Bion, ennemis acharnés de tout dogmatisme, capables de ne reculer devant rien, qu’Arcésilas, afin de conserver son repos, avait feint de ne croire à rien ; son doute était comme l’encre que jette la sépia autour d’elle, et qui la protège. Il est vrai que Numénius, qui rapporte ce témoignage, ajoute aussitôt qu’il ne le croit pas exact.

Un texte beaucoup plus important est celui où Cicéron[3] fait allusion à un enseignement ésotérique de la nouvelle Académie. Il y avait, semble-t-il, des mystères dont la connaissance était réservée aux initiés ; c’est afin d’atteindre la vérité que les académiciens défendaient et combattaient tour à tour toutes les opinions.

La tradition qui attribuait aux nouveaux académiciens des pensées de derrière la tête persista longtemps ; nous en trouvons encore un écho chez saint Augustin[4]. Arcésilas, suivant saint Augustin, voyant le stoïcisme gagner de proche en proche, et la foule disposée à croire que l’âme est mortelle, que tout, y compris Dieu, est matériel, aurait désespéré de la ramener à la vérité. Faute de mieux, il se serait contenté, ne pouvant l’in-

  1. P., I, 234.
  2. Num. ap. Euseb., loc. cit., vi, 6. Cf. viii, 7.
  3. Ac., II, xviii, 60 : « Restat illud, quod dicunt, veri inveniendi causa contra omnia dici oportere, et pro omnibus. Volo igitur videre quid invenerint. Non solemus, inquit, ostendere. Quæ sunt tandem ista mysteria ? aut cur celatis, quasi turpe aliquid, sententiam vestram ? »
  4. Cont. Academic., I, xvii, 38. Cf. Ad Diosc. epist., 16.