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Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/14

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INTRODUCTION. — CHAPITRE I.

qui connaisse avec certitude tout ce que je dis des dieux et de l’univers. Quand même il rencontrerait la vérité sur ces sujets, il ne serait pas sûr de la posséder : l’opinion règne en toutes choses. » Ailleurs[1] il semble se contenter de la vraisemblance.

Aussi, chez les anciens, était-il parfois regardé comme un sceptique. Suivant Sotion[2] il aurait le premier déclaré que tout est incompréhensible ; il est vrai qu’en rapportant ce témoignage, Diogène ajoute que Sotion s’est trompé. Timon de Phlionte, dans le second livre des Silles, où il imagine un dialogue entre Xénophane et lui-même, met dans la bouche du vieux philosophe les invectives qu’il adresse à tous les dogmatistes. Ce choix doit avoir une raison. Avoir injurié les poètes, comme l’avait fait Xénophane, n’était peut-être pas un motif suffisant pour lui prêter des injures contre les philosophes : il est plus probable qu’il y eut une certaine conformité entre les idées de Xénophane et celles du sceptique Timon[3].

Il semble impossible de contester qu’il y ait eu chez Xénophane un commencement de scepticisme. Toutefois les témoignages les plus dignes de foi, comme ceux d’Aristote, ne lui attribuent que des opinions dogmatiques ; et parmi les sceptiques, il en est, comme Timon[4], qui lui reprochent d’avoir exprimé des affirmations positives. D’autres, comme Sextus[5] Empiricus, tout en reconnaissant ses affinités avec le scepticisme, refusent de le compter parmi les sceptiques. Xénophane a été

  1. Mullach, Fragm. phil. græc., p. 103, fr. 15 :

    Ταῦτα δεδόξασται μὲν ἐοικότα τοῖς ἐτύμοισι.

  2. Diog., IX, 20. Cf. Stob., Ecl., II, 14 ; Hippolyt., Refut., I, 14 (édit. Duncker et Schneidewin, Götting. Dietrich, 1859).
  3. Divers témoignages attribuent même à Xénophane des Silles analogues à ceux que composa plus tard Timon. (Voir sur ce point Wachsmuth, De Timone Phliasio, p. 39 et seq. Leipzig, 1869.) Mais c’est sans doute une erreur. Dans les divers passages des Silles de Timon, fort connus dans l’antiquité, et fréquemment cités, c’est Xénophane qui est censé parler : des lecteurs inattentifs auront cru que les paroles qu’on lui attribue étaient réellement de lui. Voir Cousin, Fragm. de philos., t. I, p. 11 ; 5e édit. Paris, Didier, 1865. Karsten, Phil. græc. rel. p. 25.
  4. Mullach, op. cit., p. 86, v. 29.
  5. P. H., I, 224.