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LES SUCCESSEURS DE CARNÉADE. — PHILON.

son zèle. Il remarqua l’accord des sensations, et leur évidence. Il n’osa pas tourner le dos à ses anciens amis. Mais il souhaitait de trouver des contradicteurs qui le fissent changer d’avis, et le convainquissent d’erreur.

De même, suivant saint Augustin[1], Philon, esprit très circonspect, avait déjà, avant la défection d’Antiochus, entr’ouvert les portes de l’Académie à des ennemis vaincus, et tenté de les ramener sous l’autorité et les lois de Platon.

Enfin, ce qui est peut-être encore plus décisif, Sextus[2] dit en propres termes que, d’après Philon, la vérité ne peut sans doute être connue à l’aide du critérium stoïcien, mais qu’en elle-même, par nature, elle peut être connue. C’est uniquement contre le dogmatisme stoïcien que ses critiques auraient été dirigées ; mais cette doctrine supprimée et balayée, il y avait place pour un autre dogmatisme.

Ajoutons enfin que Cicéron[3] lui-même fait allusion, en termes, il est vrai, assez obscurs, à un enseignement mystérieux et ésotérique sur lequel les académiciens refusaient de s’expliquer.

Quel est donc le dogmatisme que Philon avait substitué au dogmatisme stoïcien ? Ici commencent les difficultés. Aucun texte ne permet de répondre avec une entière certitude : ce n’est que par voie de conjecture qu’on peut essayer de résoudre la question.

D’après les textes qu’on vient de lire, la première idée qui s’offre à l’esprit est que Philon revenait simplement au dogmatisme platonicien. Les choses ne peuvent être connues par les sens ; Platon l’avait dit, Philon le répète, et c’est pourquoi, au témoignage de Sextus, il combat le critérium stoïcien. Pourtant, les choses peuvent être connues : comment ? si ce n’est, comme l’avait dit Platon, par l’intuition de la raison pure.

Telle est l’opinion qui a été adoptée et défendue aussi ingé-

  1. Contr. academic., III, xviii, 41 : « Quippe Antiochus, Philonis auditor, hominis, quantum arbitror, circumspectissimi, qui jam veluti aperire cedentibus hostibus portas cæperat, et ad Platonis auctoritatem Academiam legesque revocare. »
  2. P., I 235.
  3. Cic., Ac., II, xviii, 60. — Cf. August., loc. cit., xvii, 38 : xx, 43.