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LES SUCCESSEURS D’ÆNÉSIDÈME. — AGRIPPA.

CHAPITRE VI.

LES SUCCESSEURS D’ÆNÉSIDÈME. — AGRIPPA.


Nous n’avons sur Ænésidème que des clartés insuffisantes : après lui, la nuit est complète. Nous connaissons les noms de ses successeurs immédiats, Zeuxippe, Zeuxis et Antiochus de Laodicée. On a vu ci-dessus[1] le peu que nous savons sur ces philosophes. Il est probable qu’ils continuèrent l’œuvre d’Ænésidème dans le même esprit, et en suivant la même direction. Outre les trois grandes questions qu’il a traitées d’une manière si originale, nous savons par le résumé de Photius qu’Ænésidème avait appliqué sa subtile dialectique à d’autres sujets, au mouvement, à la génération et à la destruction. On peut conjecturer que ses arguments furent repris, développés, affinés de toute façon par ses continuateurs. C’est ainsi par le travail curieux et patient de plusieurs générations de penseurs que la critique sceptique, gardant de toutes ces recherches ce qu’elle trouvait de meilleur, rejetant le reste, prit cette ampleur et acquit cette richesse, cette profusion accablante d’arguments variés sur tous les sujets, que nous lui voyons au temps de Sextus Empiricus. Mais nous ne savons rien des ouvriers anonymes de ce long travail : il y a chez Sextus comme un parti pris de silence à l’égard de ces obscurs philosophes qui concourent sans gloire à l’œuvre commune ; il faut renoncer à essayer de leur rendre justice. C’est seulement quand nous arriverons à Sextus qu’il sera possible de jeter un coup d’œil d’ensemble sur cette œuvre de longue patience : elle émerge alors des ténèbres de l’histoire, à peu près comme on voit les bancs de coraux, après de longs siècles, affleurer à la surface de l’océan.

  1. P. 236 et suiv.