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Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/373

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L’EMPIRISME. — PARTIE CONSTRUCTIVE.

des Chaldéens avec cette observation pratique qui permet de prédire la pluie, le beau temps et les tremblements de terre[1].

Mais c’est surtout en médecine que cette distinction a une grande importance. La médecine savante, celle des dogmatiques, qui se flatte d’atteindre les causes et de connaître l’essence des maladies, paraît à Sextus vaine et stérile ; l’autre, celle des empiriques, ou plutôt encore celle des méthodiques, qui, négligeant toute considération transcendante, se bornent à constater des phénomènes, à en observer la liaison, à en prévoir le retour, lui semble excellentes[2]. Il décrit fort bien les procédés de cette dernière[3] : « En médecine, si nous savons qu’une lésion du cœur entraîne la mort, ce n’est pas à la suite d’une seule observation, mais après avoir constaté la mort de Dion, nous constatons celle de Théon, de Socrate et de bien d’autres. » La science empirique[4] diffère de l’autre en ce que ses règles générales sont toujours obtenues à la suite d’un grand nombre d’observations[5] faites directement ou conservées par l’histoire.

Ces passages nous montrent que les médecins sceptiques avaient porté leur attention sur les moyens d’atteindre la vérité dans les sciences d’observation ; ils avaient une sorte de logique, fort différente à coup sûr de celle d’Aristote et des stoïciens, ou plutôt une méthodologie, dont les règles et les préceptes formaient un corps de doctrine. Malheureusement, dans les ouvrages de Sextus que nous avons, ces préceptes ne sont indiqués qu’en passant et par allusion ; son but étant principalement de combattre le dogmatisme, il n’a pas à insister sur ce sujet. Il est

  1. M., V, 1, 2.
  2. P., I, 236. Cf. P., II, 246 : Ἐμπείρως τε καὶ ἀδοξάστως κατὰ τὰς κοινὰς τηρήσεις τε καὶ προλήψεις βιοῦν. Cf. 254. P., II, 236 : Ἑν ἑκάστῃ τέχνῃ τὴν ἐπὶ τῶν πραγμάτων παρακολούθησιν. M., VIII, 288 : Συγχωρήσομεν… ἐν τοῖς φαινομένοις τηρητικήν τινα ἔχειν ἀκολουθίαν καθ’ἢν μνημονεύων τίνα μετὰ τίνων τεθεώρηται, καὶ τίνα πρὸ τίνων, καὶ τίνα μετὰ τίνα, ἐκ τῆς τῶν προτέρων ὑποπτώσεως ἀνανεοῦται τὰ λοιπά.
  3. M., V, 104.
  4. M., VIII, 291 : Ἡ ἐν τοῖς φαινομένοις στρεφομένη τέχνη.
  5. Ibid. : Διὰ γὰρ τῶν πολλάκις τετηρημένων ἢ ἱστορημένων ποιεῖται τὰς τῶν θεωρημάτων συστάσεις.