Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
INTRODUCTION. — CHAPITRE II.

de gouvernement naissent peu à peu, par des dégradations presque insensibles, les formes inférieures.


IV. Si Aristote a été compris parmi les maîtres dont les sceptiques de la nouvelle académie revendiquaient les noms, quoiqu’ils le nomment moins souvent et insistent moins pour faire de lui un des leurs, c’est que lui aussi attachait une grande importance à la dialectique. Dans la théorie de l’induction, le grand philosophe avait rencontré le problème qui préoccupe tous les modernes ; comment passer de quelques cas observés à la loi qui régit tous les cas semblables ? comment, sans faire une énumération complète, mani­festement impossible, affirmer de tous les êtres d’un même genre ce qu’on n’a constaté que pour quelques-uns ? C’est par la dialectique qu’il avait essayé de combler l’intervalle. Étant donnés les cas observés, les croyances généralement adoptées, les proverbes, surtout les opinions des hommes les plus instruits, il faut, avant de formuler une loi générale, soumettre ces faits à la critique, examiner dialectiquement ce qu’on peut dire pour et contre, passer en revue les difficultés et essayer de les résoudre[1]. De là des expressions analogues[2] à celles que les sceptiques devaient plus tard employer ; il faut douter avant de savoir : c’est le doute méthodique de Descartes. Rien de plus raisonnable et de plus conforme au véritable esprit dogmatique, quelques réserves qu’on puisse faire d’ailleurs sur cette manière de comprendre l’induction. Mais, ici encore, il y avait une apparence de scepticisme ; cette apparence suffisait à des esprits peu exigeants.


En résumé, si on prend le mot scepticisme dans son sens précis et historique, il n’y a pas eu de scepticisme avant Pyrrhon ; le

  1. Top., I, 1 ; Ethic. Nic., I, 8. Voyez, sur toute cette théorie, Zeller, op. cit., t. III, p. 243, 3e Auflage.
  2. Mét., III, 1 : Ἔτι δὲ τοῖς εὐπορῆσαι βουλομένοις προύργου τὸ διαπορῆσαι καλῶς· ἡ γὰρ ὕστερον εὐπορία λύσις τῶν πρότερον ἀπορουμένων ἐστί… Cf. Ethic. Nic., VII, 1.