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LIVRE I. — CHAPITRE IV.

Athènes vers 935. Il exerça d’abord le métier de danseur ; puis il y renonça et alla à Mégare, où il entendit Stilpon. Revenu ensuite dans sa patrie, il s’y maria ; puis il alla trouver Pyrrhon à Élis ; à cette époque Timon était déjà célèbre. La pauvreté le força à partir ; il se rendit à Chalcédoine, où il s’enrichit en enseignant, et accrut encore sa réputation. Enfin, il s’établit à Athènes, et sauf un court séjour à Thèbes, il y demeura jusqu’à sa mort[1].

Malgré sa vive admiration pour Pyrrhon, Timon ne l’avait pas pris pour modèle en toutes choses. On a vu qu’il ne se résigna pas comme lui à la pauvreté ; il n’eut rien non plus de cette gravité et de cette dignité, qui conquirent à Pyrrhon la vénération et la confiance de ses concitoyens. Il fut à certaines heures fort peu philosophe ; divers témoignages nous apprennent qu’il aimait à boire, et s’il faut en croire Athénée[2], il n’avait pas perdu cette mauvaise habitude, même à la fin de sa vie, à l’époque où il connut Lacydes, le successeur d’Arcésilas. Cependant, on cite de lui quelques traits de caractère, par où il se rapproche de son maître. Il aimait comme lui la solitude et les jardins, et faisait preuve, du moins à l’égard de ses propres ouvrages, d’une assez grande indifférence.

C’est surtout par son esprit vif et mordant, par sa méchanceté que Timon est resté célèbre. Il exerçait sa verve railleuse

    silas qu’il avait d’abord fort maltraité, et qu’il loua ensuite dans le Περίδειπνον, puis pour devenir l’ami de Lacydes, que sans doute il n’avait pu connaître du vivant d’Arcésilas. On voit donc que c’est à tort que Ritter et Preller (His. phil. Græc. et Rom., 357, 6e Aufl.) et Wachsmuth (De Timone Phliasio, p. 5, Leipzig, 1859) déclarent que Timon n’a pu être disciple de Stilpon : il n’y a pas de difficulté chronologique à admettre le témoignage de Diogène sur ce point.

  1. Quelques historiens ont cru pouvoir conclure d’un passage de Diogène (109 : Ξάνθον ἰατριχὴν ἐδíδαξε) que Timon était aussi médecin : et ils sont partis de là pour dire que dès cette époque, le scepticisme avait avec la médecine d’étroites affinités. Mais il est bien peu vraisemblable que Timon, danseur, poète et philosophe, ait encore eu le temps d’être médecin. Le passage de Diogène signifie simplement qu’il fit apprendre la médecine à son fils.
  2. X, p. 438, etc. ; Élien, Var. Hist., lib. II, 41. Diogène l’appelle aussi Φιλοπóτης, 110 ; mais Wachsmuth (op. cit., p. 8) dit avec raison que ce passage doit être corrigé, et qu’il faut lire Φιλοποιητής.