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TIMON DE PHLIONTE.

sur tous les sujets, et aux dépens de tout le monde ; il n’épargnait pas sa propre personne ; comme il était borgne[1], il s’appelait lui-même le Cyclope, et plaisantait volontiers sur son infirmité. Mais ce sont surtout les philosophes qui furent en butte à ses sarcasmes ; il paraît s’être acharné particulièrement sur Arcésilas si doux pourtant, et si aimable, dont les opinions présentaient avec les siennes plus d’une ressemblance. Un jour qu’Arcésilas[2] traversait la place des Cercopes, il lui cria : « Que viens-tu faire au milieu de nous autres, qui sommes des hommes libres ? » Une autre fois, comme Arcésilas lui demandait pourquoi il était revenu de Thèbes : « Pour vous voir en face, répondit-il, et rire de vous[3]. » Il est vrai que plus tard il se réconcilia avec lui, et fit même son éloge dans l’ouvrage intitulé : Banquet funèbre d’Arcésilas.

Timon avait composé un grand nombre d’ouvrages ; des poèmes épiques, des tragédies, des satires, trente-deux drames comiques, puis des livres en prose qui n’avaient pas moins de 20,000 lignes[4] Parmi ces derniers se trouvaient le Περì αἰσθήσεων[5], le Πύθων[6], probablement un dialogue entre lui et Pyrrhon, qu’il avait rencontré au moment où il partait pour Delphes ; et peut-être un livre Πρòς τοὺς Φυσιχοὺς[7] et Ἀρχεσιλάου[8]ῶεριδεῖπνον. Ajoutons enfin les Iambes[9], les Images (Ἰνδαλμοí)[10] et les Silles ; ces deux derniers ouvrages sont les seuls dont il

  1. Diog., IX, 112, 114.
  2. Ibid., 114.
  3. Ces textes de Diogène où se manifeste la mauvaise humeur de Timon contre Arcésilas sont confirmés par plusieurs vers des Silles, où le fondateur de la nouvelle Académie est fort malmené. Voir entre autres frag. XVIII, XIX, édit. Wachsmuth.
  4. Diog., IX, 111.
  5. Ibid., 105.
  6. Ibid., 64 ; Aristoc. ap. Euseb., Præp. evang., XIV, XVIII, 14.
  7. Sext., M., III, 2. — On s’est parfois demandé si cet ouvrage n’était pas simplement une partie des Silles (Tennemann, Gesch. Philos., 11, p. 177 ; Paul., De Sillis, p. 25).
  8. Diog., IX, 115.
  9. Ibid., 110.
  10. Sextus, M., XI, 20. Diog. IX, 105, 65.