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LIVRE I. — CHAPITRE IV.

part ; il s’agit des images ou apparences trompeuses que la fausse sagesse des philosophes, suivant Timon, offre à l’esprit humain, et qui sont le principal obstacle à la vie heureuse. C’est en ce sens que le mot est employé dans un vers de Timon, emprunté aux Ἰνδαλμοί[1]. L’endroit même où Sextus place ce vers, au début de son chapitre contre les moralistes, semble indiquer que ce vers était devenu dans l’École une maxime courante, qui dominait toute la morale et résumait nettement la pensée sceptique sur les questions de cet ordre.


II. — Laissons maintenant de côté les conjectures, et essayons, à l’aide des divers fragments qui nous ont été conservés, de recueillir quelques indications précises sur les sentiments et les idées de leur auteur. Ses opinions ne diffèrent guère de celles de Pyrrhon, puisque c’est par lui qu’on connaît Pyrrhon. Il y a pourtant quelques points à éclaircir.

Parmi les anciens philosophes, les seuls qui aient trouvé grâce devant Timon sont les éléates, Démocrite et Protagoras. Nous avons vu que Xénophane est le principal personnage des Silles : c’est lui qui passe en revue toutes les doctrines ; c’est sous son nom que Timon distribue l’éloge et surtout le blâme. Il parle avec admiration de Parménide[2] : « Le grand et illustre Parménide a montré que les idées sont de vaines apparences. » Il loue l’éloquence de Zénon, et Mélissus n’est pas oublié. Pourtant, en même temps qu’il leur adresse des éloges, Timon fait des réserves : c’est que ces philosophes n’étaient pas assez sceptiques à son gré : ils ont approché de la perfection ; ils ne l’ont pas atteinte : « Mélissus était supérieur à beaucoup de préjugés, non pas à tous[3]. » Quant à Xénophane, Timon le représente se

  1. Sext., M., XI, 1 :

    Μὴ προσέχ’ ἰνδαλμοῖς ἡδυλόγου σοφίης

    Avec la correction de Bergk. (Comm. crit. Spec., I, p. 4.)
  2. Mullach, 20-21, 23-26.
  3. Mullach, 23 :

    ..........................Ἠδὲ Μέλισσον
    πολλῶν φαντασμῶν ἐπάνω παυρῶν γε μὲν ἤσσω.