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LÉGENDES BRUXELLOISES

Hélas ! celui-ci était maigre.

Le vieillard, voyant qu’il ne lui restait d’autre famille que ce petit-fils qui avait mal tourné — car la profession de comédien n’était pas considérée alors comme elle l’est aujourd’hui, au contraire ! — s’était dit : « Je vivrai encore autant d’années à peu près ; je vais faire de ma fortune autant de parts que je compte passer d’années ici-bas, je mangerai une part par an et vivrai largement. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Le grand-père avait fait disparaître son fonds avec son revenu et, arrivé au bout du rouleau, il était mort au moment où il venait de constater que ses caisses étaient vides.

Le comédien trouva quelques meubles et des habits qu’il vendit tout furieux et ne se réserva qu’une culotte rouge, la trouvant à son goût et espérant pouvoir l’utiliser quelque jour dans un de ses rôles.

Cette culotte était tout un poème.

De quelle époque datait-elle ? Impossible de le dire. Avait-elle un jour été de mode ? Chose peu probable. Elle était de tous les temps et de tous les lieux, sans qu’on eût pu préciser le moment et le pays où elle avait été faite. Elle était rouge, ai-je dit ; mais d’un rouge incertain, honteux, presque brun, sans cesser d’être rouge.

Les jambes étaient d’inégale longueur et de