Page:Victor Margueritte - La Garçonne, 1922.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
107
la garçonne

— Deshonorée. Et tu nous entraînes dans ta boue !… Nous qui n’avons eu pour toi que de bons traitements ! C’est affreux ! Penses-y !… Pense un peu à ton vieux père, à ta maman qui t’aiment, malgré tout… Monique, ma fille, pense à nous, au lieu de ne penser qu’à toi… Tu n’as pas les mêmes idées que nous, je le sais !… Oui, tu as ta petite conception du monde, et nous avons la nôtre… T’avons-nous jamais contrariée, cependant ? Aujourd’hui où tu pourrais, en te sauvant toi-même, nous rendre si heureux, tu ne songes qu’à achever ta perte, sans te soucier de consommer la nôtre ! Pourtant, si tu voulais, il y aurait peut-être un moyen…

Elle pliait la tête… Pauvres gens ! Si distants qu’ils fussent, et si vains que lui semblassent les motifs de leur peine, elle eût voulu, après avoir tant souffert d’eux, apaiser, si c’était possible, leur désarroi. Comment ?… Elle répéta :

— Un moyen ? Lequel ?

— Eh bien ! voilà… Ne parlons plus de Lucien. Tu vois, je n’insiste pas, Oui, je m’incline. Restent (et cela ne doit à aucun prix sortir d’entre nous) la situation où tu t’es mise… et ses… conséquences possibles. As-tu mesuré le risque qu’une grossesse comme celle-là te ferait courir ? Le danger auquel elle nous expose ? Car ici, que tu le veuilles ou non, la famille est solidaire. Il ne s’agit plus seulement de ses intérêts, mais de son honneur…

Il emplit, d’un mouvement emphatique, tout le salon.

Elle murmura :

— L’honneur…

— Parfaitement. Nous sommes perdus, si tu ne