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la garçonne

quins pour hâler la barque, White, Ransom, Plombino…

— Justement ! Les requins m’auraient déjà dévoré, si je n’avais trouvé en Vigneret l’associé qui, spontanément, m’a fait confiance. Ils me dévoreront demain, si, toi refusant d’épouser Vigneret, il me lâche…

— Ou ton invention vaut, dit Monique, et il ne te lâchera pas. Ou elle ne vaut pas, et alors…

Il haussa les épaules.

— Elle vaut ! et non pas une, mais dix, vingt fortunes !

— Alors tu es tranquille, dit Monique.

Il trouva mauvaise l’ironie. Sans doute la perspective de garder Vigneret, sinon comme gendre, du moins comme associé, n’était pas absurde et permettait même, d’autre part, si cette petite toquée persistait dans son refus, une ouverture nouvelle… Il réfléchit, au souvenir d’une phrase lâchée la veille au souper, par Plombino, après la sixième bouteille de champagne… Oui, peut-être ! une combinaison qui, en assurant l’affaire sur des bases élargies, sauverait, pour peu que Monique s’y prêtât, la face… Il reprit avec dignité le ton du réquisitoire pour tourner, presque aussitôt, à la complainte :

— Je ne sais ce qui l’emporte chez toi, de l’inconscience ou de l’ingratitude !… Tu refuses d’épouser Lucien ? C’est irrévocable ?… Bien. Admettons… Admettons même qu’après les plus graves soucis, causés par ton coup de tête, et ensuite, par ton incompréhensible obstination, je parvienne à mettre ordre à mes affaires. Qu’arrive-t-il ? Tu sors de là déshonorée…

Elle haussa les épaules. Il cria :