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la garçonne

assis autour des guérites d’osier ou des tentes, échangent des saluts avec les messieurs-dames qui processionnent.

Quand ceux-ci arrivent au bout du chemin parqueté, ils font demi-tour, et recommencent. Qu’est-ce qu’ils suivent ? Monique ne sait pas. Encore un mystère ! Le monde en est plein, si elle en croit les réponses jetées à ses incessantes questions.

Pour l’instant elle s’amuse, non loin de la guérite maternelle, avec la petite Morin et une camarade dont elles ne connaissent pas le nom. Elles l’ont baptisée Toupie, parce qu’elle tourne toujours sur un pied, en chantant. Accroupies sous le regard distrait de la Luxembourgeoise, toutes trois édifient un château doré, avec ses bastions et ses douves. Au milieu se tient debout, militairement, son râteau sur l’épaule, un garçonnet frisé, dit Mouton. On l’a mis là pour qu’il reste tranquille, en lui affirmant : « Tu es la garnison. »

La règle du jeu est que, le château fini, la garnison sera libre, et, à la place, on enfermera prisonnière celle des trois qui se sera laissé prendre. Mais le château n’en finit pas. Mouton trépigne et, sans attendre l’achèvement, exécute une vigoureuse sortie. Toupie et la petite Morin s’enfuient. Monique, qui se repose sur la foi des traités, n’a pas bougé. Si bien que lorsque Mouton veut l’embastiller, elle résiste. Il la pousse. Coups, cris. La Luxembourgeoise qui se précipite reçoit sa part de horions, les mamans accourent. Elles séparent les combattants et, sans écouter les explications confuses, d’ailleurs contradictoires, elles les secouent. Mouton qui se rebiffe est giflé. En même temps Monique sent une main qui la