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la garçonne

Monique a douze ans. Elle a une natte dans le dos, et des robes à carreaux, d’écolière. Elle est la première élève de sa classe, dans le pensionnat de tante Sylvestre. À la place des rues grises dans le brouillard s’étend le jardin montant, au flanc de la colline. Le soleil vêt toutes choses, d’une splendeur légère. Il luit sur les palmes des chamérops, pareils à des fougères géantes, sur les raquettes épineuses des cactus, sur les aloès bleuâtres ou bordés de jaune, qui ont l’air d’énormes bouquets de zinc. La mer est du même azur foncé que le ciel, ils se confondent, au large.

Pâques est revenu, Pâques fleuries ! Jésus s’avance sur son petit âne, dans le balancement des branches vertes. La terre est comme un seul tapis, éclatant et bariolé, de roses, de narcisses, d’œillets et d’anémones.

Monique demain sera toute en blanc, comme une petite mariée. Demain ! Célébration de ses Noces spirituelles. Le bon curé Macahire, — elle ne peut prononcer son nom sérieusement, — va l’admettre, avec ses compagnes du catéchisme, à la Sainte Table.

Elle a essayé de se pénétrer des belles légendes des Testaments ; elle y a d’autant mieux réussi qu’elle a eu comme répétitrice sa grande amie Élisabeth Meere… Zabeth, qui est protestante, a fait, il y a quatre ans déjà, sa première communion et son rigorisme fervent ajoute une exaltation singulière à la fièvre mystique dont Monique brûle. Toutes deux, dans l’adoration du Sauveur, découvrent obscurément l’amour.

Celui de Monique est toute confiance, abandon, pureté. Elle s’en va, avec une ivresse ingénue, sur