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la garçonne

sante, Monique, fatalement, avait pris goût, La passion de Niquette et l’espèce accoutumance docile avec laquelle elle y avait elle-même répondu, s’était relâchée, insensiblement, au fil des mois…

De cet entrecroisement passager, elles restaient camarades, étonnées, lorsqu’elles se revoyaient, d’avoir pu être plus qu’amies. Faute d’un autre aliment que celui du plaisir physique, la violence de leurs sensations passées s’était vite consumée tout entière. Il n’en demeurait qu’une tiédeur, encore douce sous les cendres… Et déjà, quand elle rencontrait son ancienne maîtresse escortée de quelque nouvelle compagne, Monique éprouvait, à la profondeur de son indifférence, que le souvenir en était presque totalement refroidi…

Glace où s’étaient de même résolus, avant que de s’évanouir, — dissipés jusque dans sa mémoire, — tous les feux passagers que le désir avait allumés en elle, depuis la révélation voluptueuse que lui avait apportée Briscot.

Monique, par la rapide simplicité avec laquelle elle avait donné suite et fin à la passade, avait ébahi le comique. Si blasé qu’il fût sur l’inconstance des femmes, c’était la première fois qu’ayant lui-même le béguin, il se voyait semé de la sorte. En retrouvant le lendemain même, au dancing, sa conquête abandonnée aux bras d’un bel Américain, il n’en avait pas cru ses yeux.

Mais, sous le clair de lune violâtre, puis l’incendie orange dont les lumières changeantes enveloppaient son balancement rythmique, le tango ramenait lentement devant lui, avec la chaîne des couples, l’anneau des deux corps enlacés. Monique, levant les