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la garçonne

Et ce n’était pas que sa propre vie, dont si elle n’y avait pris garde ils eussent été, même disparus, les durables maîtres ! C’était celle que neuf mois elle devrait pétrir de sa chair, animer de son souffle. C’était le prolongement, la survivance d’elle-même !…

Un tel risque, n’était-ce pas, de toutes les servitudes féminines, la plus mortifiante, la pire ? La maternité n’avait de raison d’être, et de grandeur, que consentie. Mieux : voulue.

Certes, elle eut pu, comme tant d’autres, éluder par quelque artifice préalable cette loi de la nature… L’École de Malthus, comme avait dit un jour Georges Blanchet, qui lui avait tant déplu, était ouverte à toutes. Mais elle ne se voyait pas priant par exemple Briscot de coiffer, avant de l’approcher, une de ces calottes qu’avant de devenir marquise d’Entraygues, Michelle avait toujours de précaution dans son sac ! Monique avait beau sourire à cette idée qui, autrefois, n’avait fait que l’indigner. Le ridicule spectacle n’en soulignait que davantage l’hypocrisie et, à ses yeux, l’abaissement. Quant à se munir pour elle-même, — en même temps que de son rouge ou de sa houppette à poudre ! — de quelque préservatif, non, vraiment ! Cela la dégoûtait…

Le choix volontairement fait de Peer Rys, pour collaborer au grand œuvre dont elle demeurerait ainsi le principal artisan, reléguait au néant, avec tout sentiment de dépendance, les petites préoccupations misérables… Elle revenait aux lois naturelles, joyeusement acceptées. Elle y revenait, en égale.

Au délice de s’abandonner toute à la jouissance physique, s’ajoutait celui de l’amour-propre, doucement caressé. Pour la première fois Monique épanouis