Page:Victor Margueritte - La Garçonne, 1922.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
la garçonne

sait complètement sa personnalité. D’avoir élu entre tous le plus beau, pour les Noces charnelles, et d’être, à l’Élévation, celle qui vraiment incarne, donnait à son orgueil, flatté d’asservir l’homme à son tour, une exaltation divine.

La reconnaissance du plaisir reçu, qui de tant d’autres achève de faire des esclaves éperdues, attendrissait d’une douceur gamine l’involontaire, mais constante manifestation de sa supériorité. Elle avait, de celle-ci, une telle conscience et, malgré elle (car elle n’avait jamais été vaniteuse) elle la laissa si souvent percer que, bientôt fatigué d’être réduit au rôle qu’il assignait d’ordinaire aux femmes, Peer Rys, gâté par d’innombrables succès, marqua vite son mécontentement.

Le sang sarrasin, — qui fondu à celui de toutes les races européennes, prédomine, en dépit du composite amalgame, aux veines du peuple argentin, — n’inclinait que trop sa fatuité native, enflée en cours de route, à se rebeller contre une maîtresse qui se mêlait de vouloir l’être. Sous son pseudonyme scandinave et son hérédité latine, Peer Rys, fils d’Italien, n’était au fond qu’un Maure d’Espagne.

Au bout d’un mois Peer, traduction de Pietro, en avait assez. Danseur nu, il ne concevait une compagne que sédentaire et voilée. Monique, sans prétentions, lui eût semblé la plus délicieuse des camarades. Autoritaire, et (dans le désir où elle était qu’il lui fit un enfant) le confinant à une besogne d’étalon, elle devenait insupportable. Un fils ?… Il en avait fait à d’autres, sans tant de façons !

Un répit, cependant, ensoleilla la dernière quinzaine de leur passionnette. Pâques tombait à la fin