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la garçonne

d’avril Peer se trouvait, d’autre part, dénué d’engagement jusqu’à mi-mai, où il devait partir pour Londres. Les salons aristocratiques l’y réclamaient, sous condition, cependant, d’un cache-sexe… Monique, après l’hiver laborieux, avait de son côté soif de repos et de solitude. Il se laissa enlever, — une fugue au soleil… En route pour Clairvallon !

Le merveilleux printemps de Provence les accueillit. Ils aimèrent le tranquille palace ouvert sur le golfe sambracitain. Les pins parasols découpaient sur l’azur leurs grandes ombrelles noires. Le romarin avait passé sa robe de fleurs, et, bleu pâle, embaumait dans l’air vif. En face d’eux, la mer étale comme un lac resplendissait. On eût dit un seul saphir, enchâssé dans l’émeraude des collines, qu’au centre bouclait, de ses anciens remparts, Saint-Tropez semblable à un fermoir d’or roux.

Ce fut, dans leur flambée finissante, l’ultime sursaut de flamme.

Monique commençait alors à craindre que son souhait ne pût s’accomplir : elle n’avait pas évité le retour mensuel qu’elle redoutait. Passionnément désireuse de devenir mère, un instinctif calcul de tout l’être lui fit retrouver, dans l’ardeur de son besoin, le secret de plaire. La douceur câline de l’amante, en flattant « son Piètre », le ramenait au goût de l’acte qu’il avait fini par ne plus pratiquer que comme une fonction.

L’illusion d’être aimé pour lui-même lui rendit le naïf et le primesaut des sentiments. Ils se laissèrent vivre, au grand air salin, sans arrière-pensée. Leurs jeunesses se dilataient, magnifiques, avec des bonds d’animaux ou des torpeurs de plantes. Un rien,