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la garçonne

d’épate révolutionnaire, propre à la jeunesse. Il n’était d’ailleurs jamais, entre eux, question d’esthétique…

Les vacances heureusement arrivaient. Monique dut, pour couper court à sa poursuite, partir en l’aiguillant sur une fausse piste. Tandis qu’il la cherchait en Suisse, elle alla se terrer sur une petite plage bretonne. Rosmenidec : un trou entre deux hautes falaises. Les arbres descendant jusqu’à la mer… Un village de pêcheurs où il n’y avait que cinq ou six villas et un pauvre hôtel.

Elle y vécut seule, un mois, refusant toute compagnie. Dès l’aube elle était dehors, avec son carnet à dessin et ses crayons, ne rentrait qu’à midi pour dépêcher son déjeuner à la table d’hôte, ressortait pour aller muser dans les roches, jusqu’à l’heure du bain… Et le soir, tard dans la nuit, elle rêvait, étendue sur la grève, ou bien errait dans la campagne.

Salubre reprise d’elle-même, où d’abord elle s’était retrempée. Mais, au contact de l’indifférente nature aussi bien qu’à celui de ses voisins, — relations réduites pourtant à l’inévitable, — elle se sentait, rapidement, plus seule encore qu’elle n’était à Paris dans l’agitation de son labeur et la foule apparue, disparue, des visages…

Le spectacle de la médiocrité humaine lui sembla d’autant plus affligeant, parmi la splendeur du serein décor, — cette terre, cette mer et ce ciel à travers lesquels sa détresse intime essayait vainement de s’éployer, comme une aile d’oiselet. Son impuissance avait alors envie de sangloter, devant l’infini qu’hier elle embrassait, animait de sa foi, et dont l’impassibilité, maintenant, l’accablait.