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la garçonne

À la sensation agréable, Monique sourit sans l’analyser, et sans comprendre… Mais comme soudain les doigts de Zabeth se crispent, elle dit : « Finis ! qu’est-ce qui te prend ? » Zabeth rougit et balbutie : « Je ne sais pas… c’est l’orage ! »

Monique, pour la première fois, éprouve un trouble étrange. Elle referme vivement son corsage. Une voix lointaine en même temps retentit. C’est tante Sylvestre qui appelle : « Monique, Zabeth ! » Zabeth gênée se ragrafe… Monique répond : « Hého !… » La voix, rapprochée, fait écho.

L’orage est passé.

. . . . . . . . . . . . . . . . . .


Monique a dix-sept ans. Elle compte : un, deux, trois ans déjà que la guerre dure ! Est-ce possible ? Les troisièmes grandes vacances depuis qu’Hyères est devenu comme un grand hôpital, où les blessés renaissent.

Elle est poursuivie par ces yeux hagards que le soleil fait clignoter, au sortir de leur éternelle nuit d’épouvante. Elle ne comprend pas comment ceux qui se battent peuvent s’accoutumer à cette espèce de mort affreuse qu’est leur vie. Elle ne comprend pas non plus comment ceux qui font semblant de se battre un peu, — si peu ! — et ceux qui ne se battent pas du tout acceptent la souffrance et le carnage des autres.

L’idée qu’une partie de l’humanité saigne, tandis