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la garçonne

que l’autre s’amuse et s’enrichit, la bouleverse. Les grands mots agités sur tout cela comme des drapeaux : « Ordre, Droit, Justice ! » achèvent de fortifier en elle sa naissante révolte, contre le mensonge social.

Elle a passé, brillamment, son examen de fin d’études, poursuivies entre ses incessantes, ingénieuses façons de se dévouer. Non seulement pour les convalescents d’Hyères, mais pour l’obscure foule en proie à tous les maux, dans le lit fétide des tranchées.

Maintenant une existence nouvelle commence : Paris, les cours de la Sorbonne… Monique est rentrée dans sa famille. Elle a dit au revoir à tante Sylvestre, au pensionnat, au jardin, à tout ce qui a fait d’elle la jeune fille délurée, au regard hardi et pur, et aux joues fraîches… Adieu au doux passé, où, en se faisant une santé, elle s’est fait une âme.

Avenue Henri-Martin, sa chambre de jeune fille, joliment préparée, lui a causé un vrai plaisir. Elle a été touchée de l’accueil de son père et de sa mère. Elle sent qu’elle compte, désormais, aux yeux des siens : elle leur fait honneur… Tante Sylvestre a semé… Ils récoltent. Heureuse elle-même, elle ne leur en veut plus, de leur détachement ni de leur égoïsme… Elle les aime, par principe…

Pour la première fois depuis 1914 on s’est réinstallé, à Trouville. Monique consacre son mois d’août à faire l’infirmière bénévole à l’hôpital auxiliaire, no 37. Elle est si absorbée, le jour par ses occupations, et le soir par ses livres, qu’elle ne se soucie pas des autres… Ceux qu’elle observe le moins sont ceux même qui la touchent : sa mère toujours dispersée, son père toujours absent… L’usine Lerbier