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et la poire, leurs rondeurs naissantes. Instinctivement l’Anglaise étendit la main, caressa, dans leur corbeille de dentelles, les beaux fruits qu’elle sentit frémir. En même temps Monique, — tandis que dans sa mémoire se réinstallait l’heure disparue, — voyait sous le corsage de Zabeth, deux pointes surgir, tendant la soie légère. Alors, elle rougit à son tour, les joues empourprées du même feu que son amie.

Une vague honte la troublait, Cependant la sensation lui avait été agréable, et ce fut d’une voix douce qu’elle murmura, instinctivement, les mêmes mots qu’elle avait proférés jadis, mais avec une autre intonation : « Finis ! qu’est-ce qui te prend ?… » Zabeth sourit, si clairement, que son volontaire visage n’eut cette fois plus rien d’énigmatique. Et Monique, amusée, déclara à son tour :

— Tu n’as pas honte ?

Lady Springfield secoua délibérément la tête. Non ! elle n’avait pas honte… Et pourquoi aurait-elle honte ? Son mari était trop occupé des affaires de l’État pour prendre souci de sentiments. Il lui avait fait deux enfants, comme il eut planté deux arbres. Leur éducation ? La nursery pour l’instant y pourvoyait ; ensuite ce serait le collège… Quant au spiritisme, voire théosophique, il suffisait sans doute aux curiosités de l’esprit. Lady Springfield ne détestait pas les joies qui achevaient de prendre corps. Et quel corps plus plaisant que celui d’une jolie femme ? Entre toutes, celui de Monique, longtemps désiré, occupait dans ses souvenirs la première place. Place réservée, d’autant plus précieuse.

Gaiement, les deux amies dînaient seules, dans le petit restaurant indiqué à Ginette Hutier. Il était