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la garçonne

Il en était huit, quand, entendant la sonnerie de la porte d’entrée, elle tint en suspens le doigt frotté de fard rose dont elle allait aviver ses pommettes… « Zabeth ! déjà. Zut, je suis en retard ! »

— Entre ! cria-t-elle, comme la femme de chambre annonçait Lady Springfield.

Avec une émotion fugitive, elle voyait dans son miroir, comme du fond soudain ressuscité de sa jeunesse, apparaître sa grande amie d’autrefois. Longues et flexible, — une liane brune, — lady Springfield, en dépit d’une robe généreusement échancrée, avait si peu changé que Monique crut revoir Élisabeth Meere… Le visage mat gardait cette expression volontaire, mais aussi un peu énigmatique, qui faisait dire à tante Sylvestre : « Élisabeth, c’est une dalle, sur un secret. »

Monique, sans se retourner, tendit le cou :

— Embrasse-moi, mais ne me mets pas de rouge ! Zabetb rit :

— Le mien est sec, il ne tache pas… Tu n’as pas honte ? Encore en chemise !

Monique posa lentement la dernière touche, — une nuance de bleu, au coin de la paupière.

— Là. Je suis prête. J’ai mes bas.

Elle se leva, vêtue seulement d’une courte combinaison sous le kimono. Lady Springfield la contemplait, émerveillée :

— Comme tu es devenue belle !

Elle ajouta en rougissant :

— Tu l’étais déjà.

Son regard, posé sur les seins de Monique, évoquait le soir trouble où dans une atmosphère d’orage, poitrines nues, elles avaient comparé, comme la pomme