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la garçonne

Parlement, avec leurs lois ! Ils me font rire… Les stupéfiants ! C’est eux qui le sont… Le père Hutier, marchand de vertu !… Tu vois ça ?… Et si je veux m’intoxiquer, moi ?… D’abord, puisqu’ils parlent de poison, qu’ils s’occupent donc de l’alcool ! Mas ça, ils n’oseront pas… C’est le bistro qui les nomme…

Elle baissa le ton, et confidentielle :

— De la « neige » heureusement, il m’en reste. La Souillarde, celle qui tient le lavabo au Pélican, m’en a vendu. Tiens, plein cette boîte !… Tu vois ça ?

Elle montra, en riant, une petite bonbonnière d’émail.

— Et puis, je sais où on en trouve ! Y a le pharmacien, à Javel… Tu vois ça ?… Mais pour la confiture, alors, rien à faire ! Il t’en reste pas ?…

— Si ! un fond de pot…

— Va le chercher… T’as la flemme ? Ça ne fait rien, va, reste. On fumera le drops… J’ai raclé toutes les vieilles pipes… Tiens, y a encore le fourneau de la grande, celle d’ivoire… il en est plein. Le drops, c’est bon aussi ! J’sais pas si j’l’aime pas autant…

Elle toussa, malgré son gosier blindé, et répéta de sa voix rauque :

— Le drops, c’est plus fort. Ça grise mieux…

Il lui fallait, comme à l’ivrogne, du raide.

Elle soupira :

— Tout de même, si on n’avait pas ça, dans la vie !… Allez, viens ! Couche-toi…

— Attends que je passe ma robe.

Monique, en habituée, se dévêtait à travers l’obscurité. Drapée dans un manteau chinois elle prit place, le long du plateau. Comme elle tournait machinalement le papillon de la lampe, dont la