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la garçonne

Il était sur elle, l’injuriait, à mots hachés : « Espèce de folle ! Vous n’avez pas honte ! Est-ce que vous me prenez pour un de vos chiens lèche-c… ? » Mais, insensible à l’outrage, et presque heureuse de l’outrance, où elle lisait plus de jalousie et de convoitise que d’indignation, elle s’était bornée à lui poser une main, sur la bouche.

Surpris, il s’était tu, et avait baisé machinalement les doigts odorants… Il sentit que de l’autre main elle l’attirait, vit sous la robe qui s’entr’ouvrait les seins blancs se gonfler. Alors, comme un fauve, il s’était abattu.

Secondes de vertige, où ils ne faisaient plus, lèvres jointes, qu’un seul être, emporté d’une même frénésie, au découplement, à l’accouplement de l’instinct…

La secousse et la révélation voluptueuse, pour l’un comme pour l’autre, avaient été trop fortes. La passion s’en trouva déchaînée. Imprévue, chez tous deux, et d’autant moins raisonneuse, surtout en Monique.

Elle n’eut pas besoin que Régis lui reparlât, le lendemain de quoi que ce soit, pour se résoudre à balayer, résolument, tous les mauvais souvenirs…

— Si on louait la maison de Rignac, à Rozeuil, au bord de l’Oise ? On irait y passer une quinzaine… Claire n’a pas besoin de moi pour tout diriger à ma place, et tu serais bien tranquille pour corriger les épreuves de ton prochain bouquin ?

— Ça va !

Sitôt dit, sitôt fait. Monique avait enlevé « son ours », après de longues recommandations faites en secret à Mlle Tcherbalief. Surtout, avait-elle spécifié : « Qu’il ne se doute de rien ! »