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la garçonne

— Qu’est-ce que tu te figures ? Je ne suis tout de même pas assez borné pour trouver mauvais que Monique Lerbier ait un genre, même masculin, si ce genre lui plaît.

Elle le taquina :

— Si. Tu es un homme des cavernes. La preuve !

Elle caressa le torse aux poils roux. Il concéda :

— Je ne suis pas un gigolo à la margarine, évidemment.

— Tyran, qu’est-ce que cela peut te faire que je me coiffe d’une manière ou d’une autre, si celle-ci me va bien ?

— Elle allait mieux à la Monique d’hier.

Elle pâlit. Il eût voulu, soudain anxieux, rattraper le mot, Pierre jetée à pic, dans un puits : déjà elle y avait remué, sous le rejaillissement de l’eau pure, le fond de vase…

Monique à son tour s’était soulevée. Elle eut une sensation de gêne à se sentir nue devant le regard qu’assombrissait, involontairement, l’évocation brutale. Elle allongea le bras, saisit un saut-de-lit, dont machinalement elle se couvrit…

Il voulut se faire pardonner sa maladresse, attesta :

— Crois-tu que je me soucierais des moindres choses qui te touchent, tiens… et jusqu’à ce qu’on peut penser de toi, si je ne L’aimais pas tout entière ?

— Il n’y a pour moi qu’une chose qui compte : ce que tu penses, toi… Et de la Monique d’aujourd’hui. C’est la seule qui existe.

Il hocha la tête :

— Une femme ne peut se couper en deux, comme un fruit. D’un côté passé, de l’autre présent… Vois-tu, quand on aime, et dès qu’on aime, l’être