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la garçonne

norme : la femme tributaire, l’homme ordonnant…

— Par là ! dit-il, à la croisée de deux chemins.

— Mais non. Voilà les acacias !… Nous sommes sur la bonne route.

L’auto filait, au bourdonnement régulier du moteur.

Coiffée d’un béret de cuir rouge, le cou nu dans le manteau dégrafé, elle conduisait avec une décision attentive, si joliment garçonnière que Régis ne put s’empêcher, tout maussade qu’il fût, de l’admirer… Oui, tout de même, il y avait là une nouvelle réalisation de la grâce féminine ! Un être encore singulier, quoique naissant par milliers d’exemplaires, et avec lequel il fallait dorénavant compter, comme avec un égal… Constatation qui, loin de le satisfaire, l’ancrait dans sa répugnance à tout ce qu’il englobait dans ce mot pour lui malsonnant : « féminisme. »

— Hein ? dit Monique… Était-ce ça ?

L’auto stoppait, devant le Vert-Logis. Enfouie sous son porche de lierre, où les dernières roses remontantes s’effeuillaient, jaunes et rouges, la petite porte à claire-voie, peinte en blanc, laissait voir au fond d’une pelouse la maison basse, avec son toit de vieilles tuiles.

— C’est gentil, il n’y a pas à dire ! s’exclama Monique. Au fond, la sagesse ce serait de vivre comme ça, assez près de Paris pour y venir, quand il faut, et assez loin pour être chez soi, au grand air.

L’après-midi d’automne éployait, sur le taillis, son éclatante sérénité. Ciel léger, à la lumière si douce qu’on ne savait si c’était celle de l’été finissant, ou d’un printemps à sa renaissance.

Ils garèrent l’auto dans une allée, refermèrent la porte. Au bruit de la clochette, Mme Ambrat, sur le