Page:Victor Margueritte - La Garçonne, 1922.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
262
la garçonne

peuple que les représentants du Peuple ! Un singe habillé n’est pas un homme. Pour un Jaurès, que de Pertout !

Les Muroy, peu intéressés par cette discussion, profitèrent du silence où la remarque se prolongeait, pour prendre congé. Comme la plupart des gens de leur classe, la politique les rebutait. Ils n’y voyaient qu’une grande cuisine alimentaire, dont la desserte, seule, les concernait. Ils s’en allaient à pas menus, escortés par les Ambrat, et Riri, qui tenait sa « marraine » par la main.

— Nous les rasions ! constata Monique, en riant.

M. Vignabos hocha la tête :

— Je le crains. Et c’est plus sérieux que cela n’en a l’air, cette désaffectation grandissante d’un pays pour les idées générales, qui, en fin de compte, l’orientent et le dirigent. Les divisions des partis, — et la façon personnelle dont, lorsqu’ils sont au pouvoir, ils l’exercent, — dégoûtent peu à peu de la vie publique les meilleurs. Chacun ne s’occupe plus que de ses affaires. Le sens de la vie nationale se perd.

Régis avait bourré, allumé sa pipe. Il constata :

— Alors, ne parlons plus de révolution ! Il n’y a pas que les bourgeois qui s’en battent l’œil, avec leurs plumes d’autruche. Le populo fait comme eux. Il s’en fout ! Vous parliez de la C. G. T. ? Elle s’est vidée de moitié. On nous a assez bourré le crâne, — tous, avec les principes !… Les principes ?

Un rictus l’enlaidit :

— Un escalier de service. Et, à chaque marche, des gens assis dessus !

— Prenez garde, mon cher confrère, railla Blanchet, le paradoxe est lui aussi de la rhétorique.