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iv

L’auto garée, place Saint-Sulpice, Monique et Régis regagnaient, sans se parler, l’appartement rue de Vaugirard.

Elle avait, durant le trajet du retour, refusé d’engager toute conversation. Et maintenant qu’elle sentait se rapprocher l’instant inéluctable, une appréhension la gagnait : s’ils rentraient, la scène habituelle éclaterait, avec son déroulement fatal, l’averse des reproches, la grêle des mots blessants, et puis, après l’orage, l’amollissante chute au fond du lâche plaisir, comme dans une couche de boue dont, chaque fois, elle se relevait plus souillée,

Elle sentit la prendre à la gorge, ainsi qu’une asphyxie, l’atmosphère raréfiée des petites pièces. Plus pauvre et plus vide lui semblait d’avance, — par ce soir de dimanche automnal, dont la splendeur planait sur le Luxembourg vert, — le logis où rien ne l’attendait… Nulle intimité, nulle douceur. Rien que le visage de leurs griefs…

Au tournant de la rue Bonaparte, elle s’arrêta :

— Il fait beau, et il n’y a pas de dîner prêt… Inutile de monter les trois étages, pour ressortir.

— Le temps de se reposer, avant le restaurant ?