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la garçonne

Il ne valait pas cet honneur ! Mais elle se tenait sur ses gardes, prête à toute riposte… Et voilà que cette humilité imprévue la désarmait. À son tour elle l’interrogea, jusqu’au fond de l’âme :

— Es-tu sincère ?

— Juge-moi désormais à ma conduite. Depuis une heure, je me dis que je suis en train d’anéantir, définitivement, notre bonheur… Et j’y tiens plus qu’à ma vie. Sans toi, qu’est-ce que tout le reste m’importe ! Je ne peux me passer de toi. Tu m’es plus nécessaire que…

Il parlait, d’une voix basse, le front buté… Il chercha une comparaison dans l’absolu. Elle vint à son secours :

— Que ta pipe !… Comment veux-tu que je te croie, après toutes tes promesses, et le joli résultat d’aujourd’hui ?

— Il y a un moyen. C’est de me mettre à l’épreuve. Allons-nous-en, nous le pouvons, tous les deux… Tiens, allons-nous-en à Rozeuil ! La maison de Rignac est à louer, pour l’hiver. Il la vendrait, au besoin, si on avait envie de l’acheter.

— Pourquoi faire ?

— Pour y vivre.

— Tu n’y penses pas !

— Je ne pense qu’à ça. On dit, dans la colère, des paroles qui ne riment à rien, des choses bêtes, qu’ensuite on regrette…

— Par exemple ?

— Non, ce n’est pas du passé qu’il s’agit. J’ai eu tort !… C’est du présent, et de l’avenir, qui ne dépendent que de nous. Si tu étais bonne, tu oublierais tout le mal que je t’ai fait, malgré moi. Oui,