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la garçonne

la table fleurie de mimosas et de roses, elle s’étonnait, il avoua :

— Depuis que vous êtes entrée ici pour la première fois, il n’y a pas de jour où je n’aie fait le rêve que vous ne repartiriez plus, que je vous garderais… C’est ainsi que, chaque soir, la maison vous attend.

Elle contempla, amicalement, le petit salon où il travaillait et où ils dînaient, les meubles familiers… Oui, l’univers tenait entre ces quatre murs ! Il se leva, vint lui baiser la main. Il était touchant, avec l’ingénuité de sa joie et la discrétion fébrile de son désir…

Pourquoi, au moment où, l’ayant prise dans ses bras, il avait enfin osé formuler son ardente prière, avait-elle doucement secoué la tête ?

— Non, pas ce soir, je vous en prie !…

En vain, il avait tendu ses lèvres, supplié du regard. Elle avait dénoué pudiquement l’étreinte. Mais le voyant s’écarter avec douleur, elle lui avait, d’un élan, repris la main.

— Pardon ! Georges !… Je ne sais à quel sentiment j’obéis. Il me semble que je ne suis pas encore assez digne de vous… Laissez-moi un peu de temps… vous mériter… Surtout, ne prenez pas cette figure qui me peine !… Je vous dois tout, je vous appartiens…

— Alors !

— Je ne sais pas… Non ! non ! Pas encore.

Elle s’en était voulue, à le voir silencieux, si triste, en la raccompagnant à la gare. Elle avait regretté, durant tout le retour, cette inexplicable contradiction du cœur qui l’avait retenue, à l’instant où tout en elle s’élançait, vers le commun désir. Quelle hésitation dernière avait triomphé de son propre