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la garçonne

milieu pourri qui avez été la cause première de mes erreurs ! » Avec tante Sylvestre, je serais restée une fille simple, pure… Oh ! je sais bien… C’est aussi ma faute ! Moins absolue, moins orgueilleuse, je n’aurais pas, par une nuit comme celle-ci… J’en ai tant, tant de honte ! Trop tard !… Que voulez-vous ! Une fois dans le bourbier, on y patauge… On voudrait en sortir. On ne peut pas ! Alors on s’y roule.

Elle voila son visage de ses mains.

— Mon pauvre petit, dit Mme Ambrat, pourquoi vous torturer de la sorte ?… Le passé, à votre âge, c’est peu de chose, allez !… Quand on a l’avenir !

— Folle, suppliait Georges en même temps, chère folle, si quelque chose pouvait vous rendre plus chère encore à mes yeux, c’est l’excès même de vos scrupules. Le passé, qui pourrait donc songer à vous le reprocher lorsqu’il vous arrache une si douloureuse plainte !… Regardez-moi ! Il n’y a au monde qu’une chose qui vaille, la minute que nous vivons.

— C’est parce que sa lumière m’inonde, dit-elle en relevant le front, que je tremble devant mon bonheur ! Ai-je des mains assez propres pour l’étreindre sans le salir ?

Il avait saisi les fines, les douces mains blanches, les baisait avec ferveur.

— La verdure ne repousse que mieux, où l’incendie a passé. Monique, au nom de tante Sylvestre, je vous demande d’être ma femme.

— Le puis-je ? balbutia-t-elle.

— Non seulement vous le pouvez, ma chère enfant, s’écria M. Vignabos dont la voix, malgré lui, chevrotait, mais vous le devez !… Mes félicitations, Blanchet, votre choix est bon.