Page:Victor Margueritte - La Garçonne, 1922.djvu/312

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
310
la garçonne

Ils arrivaient au tournant de Bougival, le long de la Seine. Elle s’étendait comme une traîne d’argent, au bord bleu des îles.

— Oui, c’est beau ! murmura-t-elle.

La voiture s’était arrêtée. Ils se prirent les mains. Ils ne se parlaient pas et pourtant s’avouaient tant de choses ! Soudain, d’un même élan, leurs bouches se joignirent… Le temps d’un long serment !… Puis, tac, elle remit en marche. Ils repartaient, vers leur bonheur.


— À la même minute, les Ambrat et M. Vignabos se disposaient à regagner leurs chambres.

— Savez-vous aussi, ma bonne amie, disait le vieux professeur en montant l’escalier, ce que cela prouve ? C’est que pour un être jeune qui n’a pas été contaminé, entièrement, par la vie sociale, les mœurs actuelles sont un terrible bouillon de culture ! Voici notre garçonne. Elle est sortie de sa double éducation et de la guerre ! avec la soif d’émancipation qu’ont tant de femmes, ses sœurs…

— Tant ? observa Mme Ambrat. Croyez-vous ? La plupart sont résignées à leur chaîne ! Beaucoup, c’est triste à dire, y sont même attachées.

— Qu’importe ! L’élite entraînera la masse. Toutes, elles portent en elles une force bienfaisante, en puissance… Puissance de paix, de justice et de bonté. Force qui s’épanouira !… Comptons pour cela, ma chère amie, sur celles qui ont fait et qui continueront à faire, de plus en plus, leur part de travail, en équivalentes. Peut-on blâmer Monique d’être allée de