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la garçonne

sont pas perverties avant que d’être nubiles, ont au contraire un sentiment, voire un sens opposé : celui de la monogamie. Elles ne demanderaient qu’à devenir, et à condition d’être aimées, qu’à demeurer la femme d’un seul homme.

Elle approuva d’un signe.

— C’est justement de cette discordance séculaire entre l’idéal féminin et la bestialité masculine qu’est née, avec l’anarchie sexuelle, cette tendance à la polygamie, ou pour être plus exact, à la polyandrie vers laquelle la femme à son tour évolue… Anarchie sans doute déplorable, mais fatale. Vos conclusions sont là pour le prouver, mon cher maître.

Je le crains, soupira M. Vignabos. Du moins tant qu’une éducation nouvelle…

Boisselot tira une bouffée de la courte pipe de bruyère qu’avec l’assentiment de Monique il avait gardée allumée.

Et ricanant :

— Un cautère sur une jambe de bois ! L’éducation, non, mais ! sans rire ?… On pouvait à la rigueur en parler avant la guerre. Depuis !

Un malaise plana : le poignant rappel des charniers et des ruines.

— Alors, interrogea Monique, intéressée par l’imprévu de cette discussion, qu’espérer ? Si l’homme, maître des privilèges, trouve que tout est parfait dans le meilleur des mondes, que voulez-vous que fasse l’élève ?

Boisselot haussa les épaules, évasif… L’élève, pensait-il, avait dépassé le maître ! Il avait encore sur le cœur ses années de cauchemar, au front, tandis qu’à l’arrière ces petites éveillées remuaient les fesses…