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la garçonne

— C’est pourtant ainsi que s’accomplira l’étape vers une société plus juste. Sans compter que nous nous serons débarrassés les uns et les autres, chemin faisant, du monstrueux boulet de la jalousie… Dépouiller l’amour de sa manie de possession réciproque, de son prétendu droit de propriété éternelle, ne sera-ce pas, en définitive, tout bénéfice ? On se mariera pour finir heureusement sa vie. Et pour faire des enfants. Cela vaudra mieux que pour faire des bêtises.

Régis Boisselot grommela :

— L’amour sans jalousie ? Autant dire un corps sans âme ! C’est comme votre mariage sans amour… Une combinaison de gaz asphyxiants : deux intérêts, et deux fatigues ! Ce n’est pas cela qui embellira la société future. Le beau mérite que de rester accouplés, quand on n’a plus de jambes !

Monique approuva, véhémente :

— Le mariage de M. Blanchet, c’est une maison de retraite, pour éclopés !

— Pardon ! mademoiselle, objecta vivement le professeur en rougissant, je pense au contraire, en ce qui me concerne, qu’il n’y a vraiment mariage, ou pour mieux dire union, que quand on s’aime, et tant qu’on s’aime. Ce que je prétends seulement c’est que cette union aura plus de chances de durée si la femme et l’homme s’y engagent en connaissance de cause. Pour moi ce n’est pas la formalité qui compte, c’est le fond. Et l’union libre m’agréerait autant que le mariage si nos lois y protégeaient, comme dans celui-ci, le droit sacré des tout petits.

M. Vignabos éleva la voix : — L’union libre est en effet, théoriquement, le plus beau des contrats. Mais Blanchet a raison : il y a les