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la garçonne

enfants. Le mariage du moins les garantit. L’union libre, à l’heure actuelle, les sacrifie.

Boisselot fonça, tête basse :

— Eh bien ! changez vos lois, puisque le calcul au compte-gouttes des individus est en raison inverse de celui de l’État. Le plus d’enfants possible, naturellement !

Il cligna de l’œil :

— Pour la prochaine guerre.

— Vous savez bien, jeta Blanchet, qu’en France les lois ne changent qu’après les mœurs.

— Alors nous serons tous crevés, d’ici là !

M. Vignabos tourmenta sa barbiche :

— Et l’image de Renan, mon petit ? Les vivants n’avancent que sur le pont des morts.

Un silence s’étendit… Tante Sylvestre, la première, relança la balle :

— Ce qu’on peut objecter au système de M. Blanchet, c’est qu’il ne résout pas, mais au contraire, qu’il complique (du moins tant que l’État n’aura pas rajeuni ses codes) le problème si délicat de l’enfant. Avec cette licence de la jeune fille, outre que nous irions droit à la chiennerie…

— Pardon, objecta M. Vignabos, c’est la morale, ou plutôt l’immoralité présente qui pousse, directement, à la chiennerie ! S’il y avait chez la femme moins de tendances refoulées depuis des siècles, il y aurait dans le monde plus d’équilibre sexuel…

— Il y aurait surtout plus de naissances illégitimes, et par conséquent de situations inextricables ! Ne trouvez-vous pas qu’il y a déjà trop d’avortements comme cela ? Et en tout cas assez d’enfants naturels et adultérins ?