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la garçonne

d’esclaves, sous l’ail expert des amateurs et des marchands. Ils calibraient d’un regard le galbe des torses, les bras heureux d’être nus, l’offre des seins, dans leurs niches. Le grand pavois des coiffures, du noir bleu au blond acajou, et le rehaut des fards donnaient à l’exposition des visages, portés beau, un apparat de masques peints. Tout cela remuait, scintillait, caquetait, dans la chaleur épanouissant, avec le parfum exaspéré des essences, un bestial relent d’odeur humaine.

De petits signes de la main, des inclinations s’échangeaient. Mme Lerbier désigna, à l’orchestre, Plombino tout en tignasse, la Générale Merlin et son mari, qui, dépouillé de l’uniforme, semblait un vieil employé de bureau, Mme Hutier avec l’ancien Ministre incroyablement anonyme, les de Loth père et fille dont le nom prêtait à des insinuations, calomnieuses sans doute… Cecil Meere, plongé dans son élégante neurasthénie, en daigna sortir pour adresser à Monique un distant salut.

— Regarde ! dit Mme Lerbier, là… la loge couverte, après la colonne… Mme Bardinot et Mme Jacquet… Michelle te dit bonjour. Qui donc est avec elles ?

L’homme se retournait. Monique sourit :

— Max de Laume.

— Antinoüs !… Qu’est-ce qu’il fait là ?… La cour à Michelle ?… Non ! Elle va épouser d’Entraygues… À sa mère peut-être, pour le prix George Sand ?… Non !… Il est sûr de l’avoir… À Ponette alors ! Eh ! Eh !… Je vois bien Ransom, dans la loge d’Abraham de Rothschild. Mais je ne vois pas Léo… Est-ce que notre coureuse nationale songerait réellement à changer de cavalier ?…