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la garçonne

Elle sourit à sa méchanceté. Elle n’aimait pas, tout en la choyant, « cette grande Juive »… Agréable oui, avec ses yeux de gazelle et son air penché… L’habitude de plier l’échine !… Mme Lerbier jugeait répugnantes la platitude et l’adresse inlassablement apportées par la Bardinot à pousser, par tous moyens, son mari. Petit fonctionnaire aux Finances, il avait, avec une rapidité scandaleuse, fait l’escalade du surnumérariat au Cabinet, et du Cabinet à une sous-direction. Puis, sans arrêt, secrétaire particulier du Ministre, directeur du personnel, inspecteur général. Il était maintenant question qu’il quittât l’administration de l’État pour celle d’une grande Banque, dont la présidence allait devenir vacante, et dont, avec l’appui de Ransom…

« C’est effrayant, ricanait Mme Lerbier quand on parlait, entre amies, de « cette chère Ponette », — le chemin qu’elle a pu faire faire à son mari, rien qu’en se mettant à genoux ! » Ou encore : « Elle a une façon de tendre la main, à laquelle les hommes ne résistent pas… » Mais Bardinot avait réussi. Résultat qui émoussait les pires allusions.

Mme Lerbier rappela le mot qui avait couru, lorsque Ponette avait entendu parler, pour la première fois, d’Antinoüs… « En quoi ? »…

— Elle doit être fixée, maintenant.

— Ce que tu es potinière, maman ! dit Monique… Allons ! je vais voir Michelle.

— Rappelle à sa mère que je l’attends demain, avec Hélène Suze, pour goûter au Claridge.

Monique, de son pas alerte, arpentait les couloirs, indifférente aux coups d’œil qui la déshabillaient. Elle avait le dégoût de ces réunions « bien pari-