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la garçonne

En les quittant, Lucien lui avait répété si gentiment son chagrin de ne pas l’accompagner au théâtre et de devoir souper sans elle… Mais aucune possibilité, décidément, les Belges lui ayant encore téléphoné le matin même. Elle lui avait de son côté promis, si elle ne le voyait pas avant la fin du spectacle, de rentrer directement. Si ses parents tenaient à aller faire la fête, comme il en était question, avec Mme Bardinot et, croyait-elle, Ransom et Plombino, eh bien ! la bande irait sans elle, voilà tout.

— On peut entrer ?

— Viens vite ! s’écria Michelle, en l’apercevant.

Petite, potelée et d’un blond si pâle qu’on l’eut dit décoloré, Michelle, dans le fond de la loge, était en train de conter à Max de Laume une histoire brûlante, à en juger par leurs regards luisants.

— Attends, fit Monique, que je salue l’ancêtre !

Mme Jacquet, déposant en son honneur le face-à-main au travers duquel elle passait l’assistance en revue, comme une souveraine ses troupes. — agita gracieusement sa perruque blanche. Mme Bardinot s’arracha, un moment, aux postillons dont la criblaient avec persistance les galanteries édentées de Ransom. Il lui faisait sa petite visite réglementaire. Imperturbable, elle était accoutumée, depuis des années, à la recevoir.

« Juste rançon, se dit Monique, — tiens ! un mot ! — du banquier et de sa pluie d’or… » Ransom était, avec Bardinot, le seul homme dont la présence durât, autour de Ponette. Tous les six mois elle changeait d’amant. Ses autres foucades, variant de la semaine au jour, ne duraient que le temps d’en extraire ce qu’elles pouvaient rendre, en avantages divers.