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la garçonne

Mme Lerbier ouvrit des yeux ronds.

— Par exemple !

— Dès que le calcul s’en mêle, ton association n’est plus qu’un accouplement d’intérêts, un contrat réciproque d’achat et de vente ! Une prostitution, je te dis, une prostitution !

Elle pensa soudain à l’inconnu, revit la chambre d’hôtel, l’heure de vertige et rougit jusqu’au cou. Mais une certitude orgueilleuse lui fit repousser toute analogie de son acte avec les syllabes qu’elle martelait, comme une flétrissure. Elle reprit fiévreusement :

— Toutes les bénédictions du Nonce et du Pape n’empêcheront pas le marquis d’Entraygues, en épousant les millions de Michelle, d’être ce que Ponette a dit de Mercœur, et ce que nous pensons de Bardinot… Et Ginette, avec toute son adresse, ne m’apparait pas plus recommandable, dans sa pêche au mari, que la dernière pécheresse, dans la boue du ruisseau !

Mme Lerbier, sifflet coupé, entendait le tonnerre gronder. Elle se ressaisit, et volubile :

— C’est inimaginable ! Ah ! la tante et toi vous vous ressemblez bien ! Je reconnais toutes les billevesées dont elle t’a bourré le crâne…

— Si tu m’avais élevée toi-même…

— J’ai toujours regretté de n’avoir pu le faire ! Ta santé…

— Ou ta convenance ?

— Me voilà récompensée !… Une fille bonne pour Charenton, avec ses principes révolutionnaires ! Te doutes-tu que tu piétines toutes les conventions sociales ? Mais avec ta vérité, puisqu’il n’y a que la