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Page:Vidal de la Blache - Tableau de la geographie de la France, 1908.djvu/139

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Château, une ligne d’anciens marais, fossé naturel qui a contribué à renforcer la position stratégique de l’ancienne cité épiscopale.

Ce sont, en général, les calcaires qui de leurs plates-formes résistantes constituent le couronnement des vallées. Mais, par endroits, comme dans le Massif de Saint-Gobain, la couverture de sables et grés[1] qui leur succède dans l’ordre chronologique n’a pas été emportée ; elle surmonte les larges plateaux agricoles. Avec elle apparaît la forêt, fidèle compagne des sables dans toute l’étendue de la région tertiaire. Elle se montre ici avec ses futaies de hêtres, entre lesquelles se dessinent nettement quelques vallées sèches, mais propres à la culture. Des abbayes, parmi lesquelles celle de Prémontré, d’où partit au moyen âge la colonisation des marais du Brandebourg, sont l’expression historique de la partie forestière du petit massif.


V ASPECTS DES ÉTABLISSEMENTS HUMAINS

Prémontré, Saint-Gobain, héritier des verriers d’autrefois, sont nés sur les sables et dans les forêts ; Laon s’est fièrement cantonné sur sa montagne isolée, d’où sa cathédrale aux quatre tours, veuve de deux autres, d’inspiration guerrière autant que religieuse, domine au loin la contrée ; Soissons s’est étalée comme au fond d’un cirque, dans le plus ample des bassins que dessine la vallée de l’Aisne. Mais la zone de peuplement par excellence est celle qui se déroule sur le bord des plateaux, à la naissance des fertiles talus d’éboulis, c’est-à-dire dans les conditions les plus favorables pour profiter des divers éléments de richesse locale qui se concentrent sous la main. Entre les prairies de la vallée et les forêts des parties supérieures, s’étagent les vergers, puis les champs, dans un rayon de quelques kilomètres, avec des différences d’altitude qui ne dépassent pas 150 mètres. On ne saurait guère imaginer de pays plus complet, plus harmonique. L’excellence du sol s’y combine avec la présence de matériaux de construction, le bois, et surtout l’admirable pierre calcaire aux vives arêtes, aussi apte aux fines ciselures qu’aux entassements gigantesques, qui ajoute au pays un aspect monumental, devenu inséparable de sa physionomie. C’est elle qui dresse partout, dans les moindres villages, ces maisons sveltes et blanches, auprès desquelles les anciennes masures de torchis et de chaume de la Picardie crayeuse ou de la Champagne devaient sembler humbles et souffreteuses. Avec l’apparence de sculpture que leur donnent les pignons découpés en gradins, elles respirent une sorte d’élégance générale à laquelle répondent la beauté des édifices, la majesté des arbres, la variété des cultures. L’énorme donjon de Coucy, assis au-dessus des pentes de vergers, au bout du promontoire qui surmonte la fraîche et large vallée, est la plus frappante évocation du passé local. C’est une puissance née sur place, du sol et de la pierre dans laquelle elle est

  1. Sables moyens (voir fig. 45, pl. 22).