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Page:Vidal de la Blache - Tableau de la geographie de la France, 1908.djvu/159

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champs rocailleux, au bout desquels ou retrouve toujours les lignes sombres, et sur lesquels courent des routes solitaires qui semblent sans fin. La forêt de Clairvaux couvre plus de 4 000 hectares. Entre l'Ornain et la Meuse, de Gondrecourt à Vouthon-Bas, on fait 12 kilomètres sans rencontrer une maison. Toutefois ces plateaux s’inclinent lentement vers le centre du bassin, et leur aridité s’atténue à mesure. Des lambeaux de grès ferrugineux ou d’argiles, avant-coureurs de la nouvelle zone qui va succéder aux calcaires jurassiques, se répandent de plus en plus nombreux à la surface. Le sol devient plus varié ; il prend une teinte roussâtre. Une nouvelle région métallurgique, le pays du fer entre Joinville et Saint-Dizier, exprime cette transition.


VII VALLÉES CALCAIRES DE BOURGOGNE

D’ailleurs, même entre les plateaux les plus arides, les vallées sont déjà plus larges et surtout plus voisines les unes des autres. C’est par les vallées que cette région calcaire reste bien bourguignonne. Si sèches, ces roches imprégnées de substances organiques ont pourtant de merveilleuses propriétés de vie. On voit, des moindres interstices dans les escarpements, sortir un fouillis buissonneux : les pierrailles assemblées en talus par les paysans s’enfouissent sous une fine et folle végétation de lianes et de ronces ; entre ces rocailles elles-mêmes mûrissent les meilleurs vins. Les substances nutritives de ce terroir, concentrées, il est vrai, dans un étroit espace, communiquent aux plantes une vigueur savoureuse, qui passe aux animaux et aux hommes.

Ce sont déjà maintenant de belles et pures rivières qui, nourries de sources, méandrent sur le fond plat de ces vallées. Là-haut, dans la partie supérieure des versants, quelques taillis ou sèches pâtures annoncent la forêt qu’on ne voit pas : domaine vague que la culture dispute à la friche. Sur les flancs toujours assez raides de la vallée, mais plus bombés quand on a dépassé la formation corallienne, les talus, les croupes, ouïes promontoires, ont fourni à l’homme les terrains propices à l’aménagement de ses vignes, de ses fruitiers ou vergers, qu’on dirait, comme le reste, perdus dans la pierraille. C’est le long de la ligne où le niveau de la vallée se raccorde avec le pied des versants que sont établis les villages. Entre eux et la rivière s’étend le tapis des champs de blé et des prairies jusqu’au lit sinueux, mais bien défini, que désignent des files d’arbres. Les eaux et le sol, aussi bien que les diverses zones de culture, tout est nettement délimité.

Les maisons ne se disséminent pas non plus en désordre. Sur les plateaux elles se serrent autour des puits ou fontaines comme les cellules d’une ruche. Mais dans les vallées mêmes, où plus de liberté serait permise, elles restent agglomérées en villages ; et ceux-ci, sur la bande qu’ils occupent, se placent de façon à profiter à la fois des champs et des vergers d’une part, et, de l’autre, des matériaux fournis par le bois et la pierre. Hautes et bien bâties, les maisons empruntent au sol jusqu’aux dalles plates ou laves qui,