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à condition d’être supportées par une robuste charpente en chêne, constituent la plus solide des toitures. Ces procédés de construction donnent aux villages une sorte d’aspect urbain. Ils se succèdent nombreux dans la vallée, formant autant d'unités cohérentes en rapports faciles[1]. De distance en distance, un bourg un peu plus grand ou une ville se détache de la colline et vient empiéter sur les précieuses terres de la vallée ; mais au-dessus ou à peu de distance on reconnaît l'éperon ou le promontoire dont la position stratégique a créé le château, le vieil oppidum dont la ville est sortie : ainsi à Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine, Bar-le-Duc, Gondrecourt, etc.


VIII VIE URBAINE

Ce pays bâtisseur a une vie urbaine limitée comme ses ressources, mais ancienne et fortement établie. On ne le soupçonnerait pas, d’après la faible densité générale de sa population. Remarquons toutefois que les ressources qu’il possède en propre et dont il peut disposer en faveur des régions voisines sont de celles qui nécessitent par leur volume et leur poids un degré avancé d’outillage commercial. Ce sont les bois, les fers, les pierres à bâtir, les vins. Il faut, pour desservir ce commerce, des ateliers de manipulation, des entrepôts, surtout de puissants moyens de transport. De là. les efforts précoces pour développer l’usage des rivières. La batellerie ne put guère dépasser jamais Tonnerre sur l’Armançon, Troyes sur la Seine, Saint-Dizier, au seuil, mais en dehors de la zone des plateaux calcaires. Mais sur l’Yonne et la Cure, le flottage parvint jusqu’à Clamecy et Arcy. Ce sont les villes du bois ; comme Joinville, Vassy, Saint-Dizier sont les villes du fer; Auxerre et Tonnerre celles du vin et des belles pierres. Il est vrai que spécialisées dans un genre particulier de travail et de trafic, elles sont des étapes plutôt que des centres. Elles semblent plutôt faites pour transmettre le mouvement que pour en être le but ; mais ainsi précisément s’exprime la solidarité naturelle qui unit les différentes parties du Bassin parisien et les complète les unes par les autres.


III. — CHAMPAGNE


I RÉGION ARGILEUSE

LE NOM de Champagne n’éveille généralement l’idée que d’une vaste plaine de craie. Il y a pourtant, entre cette plaine et les plateaux calcaires que nous venons de traverser, une Champagne humide, mais si coupée d’étangs, de ruisseaux et de forêts qu’elle n’a jamais eu de nom générique. Les argiles ferrugi-

  1. La toponymie est caractéristique à cet égard. Voir (feuille de la carte d’État-major au 80 000e : n° 83, Chaumont) le trajet de la Blaise à travers le calcaire corallien. En moins de 30 kilomètres se succèdent Blaisy (à la source), Juzennecourt, La ChApelle-en-Blaisy, La Mothe-en-Blaisy, Blaise et Guindrecourt-sur-Blaise.