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Page:Vidalenc - William Morris.djvu/140

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des haines vigoureuses ; ne demandons pas à ce lutteur l’impartialité et l’éclectisme d’un philosophe. Toutes ses préférences allaient au moyen âge, à une époque où, croyait-il, malgré la tyrannie des féodaux, les artisans heureux dans leur travail et par leur travail, œuvraient dans la joie et créaient de la beauté avec amour.

C’était déjà la conception de Ruskin et de Carlyle et nous savons qu’elle n’est pas soutenable au point de vue historique. Mais Morris ne se piquait nullement de faire œuvre d’historien, ni ne songeait à restaurer l’organisation sociale du XIIIe siècle.

Tout d’abord il voulut aller au plus pressé en réagissant contre le dédain dans lequel on tenait les arts décoratifs. Il proclama que la distinction entre artisans et artistes était puérile, que les mots grand art et arts mineurs étaient vides de sens, et qu’il fallait reconnaître comme véritable artiste quiconque saurait produire de la beauté. Il réhabilita le travail manuel, celui de l’artisan devant son métier, son établi ou sa forge, il prétendait que le labeur de ses mains lui était aussi précieux que celui de son intelligence.

Avec beaucoup de sens cependant Morris sut se garder des déclamations inutiles. Il comprit que les exhortations les plus ferventes et les conseils les plus judicieux demeureraient vains, que les métiers manuels continueraient à être méprisés si l’on ne remontait pas à l’origine du mal, c’est-à-dire si l’on ne changeait pas les conditions de travail. Ruskin avait déjà dit brutalement : « Qu’on épilogue tant qu’on voudra sur la beauté et la sainteté