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Page:Vidalenc - William Morris.djvu/143

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du travail manuel, il n’en est pas moins vrai que celui qui vient de consacrer dix heures à un travail accablant dans une usine ou devant une forge, n’a pas et ne peut pas avoir le même état d’esprit que celui qui est resté à composer des poèmes devant un bureau ou assis à peindre devant un chevalet. » Paroles profondes certes, mais Ruskin n’avait rien su imaginer de plus pratique qu’aller empierrer une route, avec ses étudiants d’Oxford durant leurs heures de loisir. Un très petit nombre l’avaient suivi et la tentative avait sombré dans le ridicule ; tout le monde comprenait qu’il ne s’agissait là que d’une contrefaçon du véritable travail et le rude métier de cantonnier n’y avait gagné aucune considération nouvelle.

Morris eût souscrit aux paroles de Ruskin, mais il y ajoutait quelque chose : « Si je devais consacrer dix heures par jour à un travail que je méprise et que je hais, écrivait-il, j’espère que j’occuperais mes loisirs à faire de l’agitation politique, mais je crains bien de les employer à boire. » Il connaissait la misère et la dégradation de la classe ouvrière, mais il savait aussi en voir les causes et signalait tout ce qu’il y a d’angoissant dans les inégalités sociales.

Il pensait qu’il est inutile de tenter de vivifier l’art tant qu’on n’aura pas, au préalable, amélioré le sort des travailleurs qui doivent être les artisans de cette transformation. C’est le tort de la société actuelle de se préoccuper trop, peut-être, des produits et pas assez des producteurs. « Or, l’existence d’un art vrai dans un pays