Page:Vidalenc - William Morris.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dépend d’autre chose que de la présence de deux ou trois artistes de génie ou de talent et d’un petit groupe d’esthètes ou de collectionneurs éclairés ; un art ne peut être vraiment grand et puissant que s’il est, comme il le fut jadis, l’expression des aspirations du peuple vers la beauté et la vraie joie de la vie. » Il faut donc que l’art reproduise la vie dans toute sa complexité, qu’il ne se laisse pas emprisonner dans les formules et que beaucoup le puissent comprendre. « Je ne demande pas l’art pour quelques-uns, disait Morris, pas plus que je ne demande l’éducation ou la liberté pour quelques-uns. » Le XIIIe siècle ne fut une époque admirable que parce que l’art y exprimait l’âme religieuse de tout un peuple, que les moindres artisans qui travaillaient à la construction et à l’embellissement des cathédrales le faisaient avec amour, et que ces Bibles de pierre demeuraient pour eux une consolation et une espérance.

Il faudrait donner la même sécurité d’esprit aux artisans d’aujourd’hui ; ils ne pourront s’intéresser à leur œuvre que si elle leur apporte quelque joie : « Tout travail que l’on ne peut exécuter avec plaisir ne vaut pas la peine qu’on l’exécute », ce ne sera jamais une œuvre d’art car « l’art véritable est l’expression du plaisir qu’on trouve en travaillant ». Qu’on n’oblige donc pas les artisans à des journées de travail trop longues qui font que le repos devient leur unique souhait, qu’on ne les entrave pas par une réglementation étroite qui tue en eux toute initiative, qu’on ne les asservisse pas aux machines sous prétexte de produire à bon marché, car